Hyacinthe Rigaud, Portrait de Boileau, Château de Versailles Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux, naît à Paris en 1636 et meurt dans sa ville natale en 1711. Après ses études classiques, il se tourne d'abord vers la théologie, puis vers le droit : devenu avocat en 1656, il hérite l'année suivante, à la mort de son père, d'une fortune suffisante pour ne pas se trouver démuni. Ses frères l'introduisent dans la bonne société de l'époque, où il fréquente des salons hostiles à la préciosité, à la poésie, ainsi qu'à la galanterie en vogue ; il y cultive un certain purisme et y acquiert « un sens vif des devoirs de l'écrivain, de sa dignité et de sa vocation », selon Antoine Adam.
Ses premières œuvres, composées entre 1663 et 1665, sont des Satires vives et bien faites, dans lesquelles il se moque des mœurs de son temps et s'en prend tout à la fois à des personnalités en vue et à ceux qu'il déteste, qui sont bien souvent d'autres écrivains. Il devient alors célèbre, mais se fait en même temps bien des ennemis, dont certains le poursuivront d'une haine tenace.
À la fin de la décennie, à la suite d'influences diverses et d'une crise morale personnelle notamment, il abandonne la satire et commence à édifier les règles de la littérature classique, énoncées dans son Art poétique, publié en 1674. Tout en se consacrant à des ouvrages très sérieux, il écrit aussi des vers plus légers, comme dans son poème du Lutrin, dans lequel il parodie l'épopée et la tragédie.
Bénéficiant de la protection notamment de Mme de Maintenon, il est admis à la cour de Louis XIV et touche bientôt une pension. En outre, il est nommé, avec Racine, historiographe du roi. Admis à l'Académie française en 1684, malgré l'opposition de certains auteurs qu'il avait violemment attaqués dans ses Satires, il reprend le combat pour s'opposer à Perrault et aux Modernes.
Une édition de ses œuvres, la première où il signe de son nom, est publiée en 1701. Il meurt pieusement dix ans plus tard.

La thèse de Boileau concernant le théâtre est fort bien résumée dans l'extrait suivant : 

Il n'est point de serpent ni de monstre odieux,
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux :
D'un pinceau délicat l'artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable.
Ainsi, pour nous charmer, la Tragédie en pleurs
D'Œdipe tout sanglant fit parler les douleurs ,
D'Oreste parricide exprima les alarmes ,
Et, pour nous divertir, nous arracha des larmes,
Vous donc, qui d'un beau feu pour le théâtre épris,
Venez en vers pompeux y disputer le prix,
Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages
Où tout Paris en foule apporte ses suffrages,
Et qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés,
Soient au bout de vingt ans encor redemandés ?
Que dans tous vos discours la passion émue 
Aille chercher le cœur, l'échauffe et le remue.
Si d'un beau mouvement l'agréable fureur
Souvent ne nous remplit d'une douce « terreur »,
Ou n'excite en notre âme une « pitié » charmante,
En vain vous étalez une scène savante :
Vos froids raisonnements ne feront qu'attiédir
Un spectateur toujours paresseux d'applaudir,
Et qui, des vains efforts de votre rhétorique
Justement fatigué, s'endort ou vous critique.
Le secret est d'abord de plaire et de toucher :
Inventez des ressorts qui puissent m'attacher.
Que dès les premiers vers l'action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l'entrée.
Je me ris d'un acteur qui, lent à s'exprimer,
De ce qu'il veut, d'abord ne sait pas m'informer,
Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D'un divertissement me fait une fatigue.
J'aimerais mieux encor qu'il déclinât son nom,
Et dît : Je suis Oreste ou bien Agamemnon,
Que d'aller, par un tas de confuses merveilles
Sans rien dire à l'esprit, étourdir les oreilles :
Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué .
Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué.
Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées,
Sur la scène en un jour renferme des années.
Là souvent le héros d'un spectacle grossier,
Enfant au premier acte, est barbon au dernier .
Mais nous, que la raison à ses règles engage,
Nous voulons qu'avec art l'action se ménage;
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable :
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas :
L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas.
Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose :
Les yeux en le voyant saisiront mieux la chose;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux.
Que le trouble, toujours croissant de scène en scène,
A son comble arrivé se débrouille sans peine.
L'esprit ne se sent point plus vivement frappé,
Que lorsqu'en un sujet d'intrigue enveloppé,
D'un secret tout à coup la vérité connue
Change tout, donne à tout une face imprévue.

Art poétique, chant III.