Dans un autre ordre d'idée, Michel Tournier écrit au chapitre L'écriture et la parole, dans Le Miroir des idées, 1994:
L'homme qui écrit est un solitaire qui s'adresse à un lecteur solitaire, soit qu'il rédige une lettre d'amour, soit qu'il compose un roman d'aventures. En revanche, l'homme qui parle a besoin d'un auditeur, car la parole solitaire est d'un fou. L'orateur politique veut un public houleux, le prédicateur religieux une paroisse recueillie, le conteur une assemblée villageoise réunie autour de la cheminée, l'homme en prière l'immense et invisible oreille de Dieu.

La parole franchit un court espace, mais elle s'efface dans l'instant, alors que l'écriture voyage à travers le temps et à travers l'espace. C'est que la parole est vivante, tandis que l'écriture est morte. (...)

La parole est première. Dieu créa le monde en le nommant. C'est le Verbe créateur. L'écriture qui apparut des millénaires plus tard découle de la parole, et a besoin d'elle pour l'irriguer. Toute l'histoire de la littérature est faite de retours constants de l'écriture à cette source vive et vivifiante qu'est le langage parlé. Un grand auteur est celui dont on entend et reconnaît la voix dès qu'on ouvre l'un de ses livres. (...)

Les sermons des grands prédicateurs dont le texte nous est parvenu soulèvent un très intéressant problème: dans quelle mesure ces sermons étaient-ils improvisés - comme semble l'exiger la véritable éloquence - et ces textes n'ont-ils pas été rédigés de mémoire, après coup et donc «à froid» ? La question se pose notamment pour Bossuet.

La parole humaine est à mi-chemin du mutisme des bêtes et du silence de Dieu. (Louis Lavelle)

Dieu est le grand Solitaire qui ne parle qu'aux solitaires et qui ne fait participer à sa puissance, à sa sagesse, à sa félicité, que ceux qui participent, en quelque manière, à son éternelle solitude! (Léon Bloy)

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