LOUIS XVI et la Révolution
(Versailles 1774, Paris 1793) Louis XVI, petit-fils de Louis XV, eut une enfance assez triste mais pieuse et très studieuse: il fut sans doute le dauphin qui reçut l'instruction la plus solide: comme beaucoup de personnes de son temps, il écrivait un français élégant et précis; il aimait l'histoire, les langues et les sciences. Très doué en mathématiques et en géographie, il donna de grandes satisfactions à ses professeurs et garda toute sa vie le goût de la réflexion et du travail bien fait. Il était très bon et courageux mais, il le reconnaissait lui-même, entêté et emporté. Il a épousé une princesse autrichienne Marie-Antoinette, belle et spirituelle, mais dont le caractère ressemblait peu à celui du roi: elle aimait jouer, danser, s'amuser; elle avait reçu une éducation moins bonne que celle de son époux et ses conseillers cherchaient à se servir d'elle. Ce ne fut que quelques années plus tard qu'elle comprit toutes les difficultés du métier de roi et soutint Louis XVI avec une grande dignité.
Les réformes
Louis XVI s'était mis aussitôt au travail. Il était partisan du système traditionnel de la France, la monarchie absolue, mais pensait qu'il était temps de donner plus de responsabilités aux provinces dans les décisions importantes qui les concernaient; dans chaque région, des assemblées se réuniraient et règleraient les questions intéressant la province: les impôts, les travaux, les échanges. On fit d'abord des expériences, puis le système fut étendu à une partie du pays. Suivant certaines idées de son temps, Louis XVI voulait gouverner avec l'appui de l'opinion publique, mais n'avait presque aucun moyen de faire connaître ses intentions ou ses explications: les nobles, les amis des philosophes imposaient leur façon de voir dans les journaux et dans les livres où tout ce qu'il faisait était déformé, calomnié.
En signe d'apaisement, en 1774, il rappela les parlements que Louis XV avait supprimés. Aussitôt ils proclamèrent avec arrogance leur opposition aux réformes annoncées: ils refusaient le cadastre qui aurait permis un impôt proportionnel à la fortune. Ils voulaient conserver tous leurs privilèges et disaient représenter le peuple!
Le roi prit comme ministre des Finances un bon intendant ami des philosophes, Turgot. Louis XVI et son ministre mirent en train une série de réformes importantes mais trop rapidement préparées: il fallut en supprimer quelques-unes par suite de mauvaises récoltes ou parce que le roi se rendit compte des torts causés aux plus pauvres.
La revanche de 1763
Le ministre avait prévu aussi un nouveau système d'assemblées où seuls les plus riches auraient pu voter; le roi s'y opposa; mais leur désaccord apparut nettement au sujet de la guerre d'Amérique. La France bien armée sur terre et sur mer désirait prendre la revanche du traité de Paris sur l'Angleterre. L'occasion fut la révolte des colonies anglaises en Amérique du Nord. Des jeunes officiers comme La Fayette, Ségur ou La Rouërie, enthousiasmés, partirent se battre aux côtés des révoltés; la France envoya des armes, de l'argent. Mais Turgot était tout à fait opposé à une guerre, car cela coûte toujours cher, et voulait même réduire le budget de l'armée et de la marine. Le roi le renvoya alors et signa une alliance avec les Américains. L'amiral de Grasse et Suffren battirent plusieurs fois les marins anglais; le général de Rochambeau venu aider le général américain Washington obligea les Anglais à se rendre. Grâce à Louis XVI et aux Français, les Etats-Unis étaient indépendants (traité de Versailles, 1783) : tout cela l'Angleterre ne l'oublierait pas.
La révolte des Féodaux
Dès les le début de son règne, Louis XVI a fait des économies: il n'a pas construit de nouveau palais, il a surtout supprimé des meutes, des équipages de chasse, des pensions, des troupes de parade (mais, par honnêteté, l'État devait rembourser les propriétaires de ces charges). Il voulut payer les dettes de Louis XV, il augmenta les dépenses pour les ports, les routes, l'armée de terre; grâce à son action persévérante, notre marine devint la meilleure d'Europe.
Comme plusieurs récoltes furent catastrophiques, le roi fit acheter le blé nécessaire. Mais ce fut surtout la guerre d'Amérique qui aggrava le déficit de l'Etat car les Américains ne payèrent pas leurs dettes. Pour s'expliquer et pour préparer l'opinion, le roi fit publier le budget, mais au lieu d'imposer aux riches une véritable réforme fiscale, il prit comme ministre un banquier suisse protestant et ami des « philosophes », Necker, qui augmenta énormément le déficit en faisant des emprunts (qu'il fallait bien ensuite rembourser !).
Aidé de Calonne, successeur de Necker, Louis XVI proposa à
nouveau l'impôt payable pour tous les propriétaires et la
création d'assemblées provinciales élues par les propriétaires
même modestes. Les privilégiés firent tout échouer.
Les parlements réclamèrent la convocation des états
généraux et se mirent en grève; les scènes
de violence se multipliaient. Alors, en 1788, Louis XVI réorganisa
la justice; les parlements perdaient l'essentiel de leur puissance et la
justice devenait beaucoup plus humaine. Ce fut aussitôt un véritable
soulèvement des privilégiés contre l'autorité
royale - le clergé conseilla la grève de l'impôt !
- : finalement le roi dut céder, convoquer les états généraux
pour le début de mai 1789, rappeler Necker et les parlements. Il
pensait que l'opinion l'aiderait à triompher. Il ne voulait pas
utiliser la force (mais le pouvait-il ?) Ce fut ce que l'on appela la révolution
aristocratique.
LA RÉVOLUTION
(1789-1792)
Les états généraux
Les parlements auraient désiré des états généraux selon l'ancienne formule: un tiers de représentants pour le clergé, un tiers pour la noblesse, un tiers pour le reste de la population. Cela les avantageait. Mais le roi en décida autrement; il fit appliquer le système existant déjà dans les assemblées provinciales: le tiers état aurait autant de représentants que le clergé et la noblesse réunis.
On prépara alors les élections, mais le gouvernement fit preuve de grandes maladresses : il ne proposa rien aux futurs électeurs, ni programme, ni candidat (il fut même interdit aux représentants de l'administration de se présenter !). Pendant ce temps, l'opposition fut d'une activité extraordinaire: grâce à la suppression de la censure, des milliers de livres, de journaux, de lettres, d'affiches parurent, qui reprenaient les idées de Rousseau, des « philosophes », des parlements. Ils étaient payés par la riche bourgeoisie, la grande noblesse, les espions anglais, le duc d'Orléans, c'est-à-dire tous ceux que Louis XVI gênait. Entre Paris et la province, circulaient des brochures remplies de conseils et d'arguments, des modèles de, « cahiers de doléances ». (En effet, selon la tradition, les électeurs pouvaient faire connaître par écrit leurs réclamations - doléances - et leurs souhaits.)
Malgré cette intense propagande, on trouve dans tous les cahiers un réel attachement au roi (personne ne parle de république), et à l'Église catholique, approuvant ainsi les tentatives royales. Beaucoup souhaitent une réorganisation des impôts, de l'administration, de la justice. En fait, chacun pense à soi; au nom de ces idées nouvelles, on envie celui qui est le plus riche ou plus puissant, et on refuse d'abandonner ses propres avantages.
L'assemblée constituante
Les états généraux se réunirent à Versailles le 5 mai 1789. La révolution commençait. En effet, les députés du tiers état (des avocats, des hommes de loi) et une partie de ceux du clergé se réunirent et prétendirent représenter la souveraineté nationale; supérieure disaient-ils, au roi. Alors qu'ils avaient été élus pour faire appliquer les demandes des cahiers de doléances, ils profitèrent de leur poste pour changer le gouvernement de la France. Très vite, ils oublièrent les doléances pour, en lui désobéissant, s'opposer au roi, l'intimider, le faire reculer.
Louis XVI essaya de résister: le 23 juin 1789, il fit savoir qu'il acceptait l'essentiel des demandes faites dans les cahiers (qui d'ailleurs reprenaient ses propres réformes) et il accordait pratiquement le suffrage universel aux Français (pourront voter tous les propriétaires quelle que soit l'importance de la propriété; cela allait donc jusqu'aux membres des corporations!)
Mais l'assemblée refusa ses projets, elle voulait le pouvoir, elle se déclara assemblée constituante (c'est-à-dire réunie pour faire des lois et changer le gouvernement de la France). Le roi réagit enfin: il renvoya Necker l'ami des banquiers, des « philosophes » et des députés, et prit des ministres plus autoritaires. Mais n'était-ce pas trop tard ?
La prise de la Bastille
Depuis quelques mois déjà des signes inquiétants étaient apparus: révoltes, émeutes, pillages, se succédaient sans être punis. Enfin les soldats, certains officiers même, refusaient d'obéir à leurs chefs. Et les régiments étrangers n'étaient pas tous bien disciplinés. Quand, le 12 juillet, les banquiers apprirent le renvoi de Necker, ils craignirent de perdre les sommes qu'ils avaient prêtées; ils distribuèrent de l'argent et l'agitation commença à Paris. Le 13, les pillages continuaient, une nouvelle municipalité fut élue. Le 14 juillet, une troupe d'émeutiers et de pillards renforcés de soldats mutinés, marcha sur la Bastille, une vieille forteresse du Moyen Âge que Louis XVI avait projeté de démolir et qui servait parfois de prison. On pensait y trouver de la poudre. Celui qui la gardait, le gouverneur de Launay, au lieu de se défendre, accepta de discuter avec les révolutionnaires, mais une fusillade éclata; les défenseurs se rendirent et malgré les promesses, furent lapidés et eurent la tête coupée. On délivra les prisonniers (4 escrocs et 3 fous) et on commença à démolir la Bastille parce que c'était une prison du roi.
La crise de l'autorité
Surpris par ces violences, Louis XVI céda, rappela Necker, vint même à Paris où il accepta la cocarde bleue, rouge et blanche (qui étaient les couleurs de Paris, mais aussi celles du roi). En province, il y eut quelques révoltes de paysans et une suite de paniques sans raison: les gens vivaient dans la peur.
L'assemblée décida - au nom de l'égalité - de supprimer tous les privilèges, aussi bien ceux des métiers et des villes que ceux de la noblesse. Mais certains chefs révolutionnaires craignaient que Louis XVI ne se fachât et ils préparèrent une émeute. Des femmes et des hommes déguisés en femmes marchèrent le 5 octobre sur Versailles accompagnés de la milice de Paris, la Garde nationale commandée par La Fayette. Le 6 octobre, les émeutiers rentrent par surprise dans le château pour tuer Marie-Antoinette qui s'enfuit de justesse. Encore une fois, le roi cède et la famille royale revient à Paris au milieu des injures et des menaces. Le château est pillé et les gardes massacrés.
Le roi s'installa aux Tuileries mais il était désormais prisonnier de Paris. L'assemblée ne laissa au roi que des pouvoirs limités, décida que seuls les citoyens les plus riches pouvaient voter et être élus, réorganisa, en reprenant d'anciens projets, l'administration et la justice. Le 14 juillet 1790 eut lieu à Paris en présence du roi une grande fête nationale. Le calme semblait revenir.
Après avoir supprimé - au nom de la liberté les abbayes et les couvents, les révolutionnaires voulurent réorganiser l'Église de France. Tous les prêtres devaient prêter serment à cette « constitution du clergé ». Presque tous les évêques - qui pourtant avaient poussé le roi à accepter - et la moitié des prêtres refusèrent le serment. Le pape à qui le clergé et le roi avaient demandé conseil, attendit sept mois pour répondre: il condamnait la révolution, ses principes, ses actes. Les révolutionnaires les plus acharnés contre la religion, les Jacobins, voulaient punir les prêtres réfractaires (au serment). Louis XVI, blessé dans sa foi, s'y opposait; de plus, il craignait pour la vie de sa famille. Aussi en juin 1791 s'enfuit-il discrètement vers les provinces de l'est où se trouvaient des troupes fidèles. Mais il fut reconnu à Varennes et pour éviter un combat sanglant, accepta de revenir à Paris.
Il accepta aussi la Constitution, pensant qu'avec le temps, les Français reviendraient à la raison. Les frères du roi, des nobles, des prêtres, des artistes, redoutant pour leur vie, quittèrent la France pour émigrer: ils furent environ 200 000. Leurs biens et ceux de l'Eglise furent plus tard confisqués: on les appela « biens nationaux ». Ils furent vendus à bon compte aux bourgeois et aux riches paysans alors partisans de la Révolution. Partout les honnêtes gens se taisaient, se cachaient. La violence, la grossièreté et la bêtise triomphaient.
« L'assemblée législative » (11, octobre 1791 - 20 septembre 1792)
Une nouvelle assemblée fut élue par le quart des électeurs de France. Voyant que le roi reprenait de l'autorité, elle fit déclarer la guerre à l'Autriche (parce qu'elle abritait des émigrés). Mais après trois ans de mutineries, les armées étaient incapables de se battre, aussi furent-elles facilement bousculées par l'ennemi. Alors le roi renvoya les ministres jacobins et refusa de faire déporter les prêtres.
Le 20 juin 1792, les Jacobins, voulant le faire céder, organisèrent une émeute avec les habitués des soulèvements révolutionnaires: les chômeurs, les déserteurs, les anciens repris de justice. Ils envahirent les Tuileries, menacèrent pendant plusieurs heures le roi qui garda son calme et expliqua qu'il suivait la Constitution.
Ce fut un échec pour les Jacobins, un succès pour le roi. De toute la France vinrent des lettres d'indignation devant l'émeute et de soutien au roi. On parla de paix, les Jacobins furieux accusèrent le roi et la reine de trahison, alors que Louis XVI mettait toute son énergie à faire accepter l'installation d'un camp à Soissons pour protéger Paris de l'invasion. Malheureusement les émigrés, par leurs bavardages, desservaient le roi et excitaient la rage des Jacobins.
La chute de la royauté
Les révolutionnaires se préparèrent à nouveau, appelèrent des renforts de la province, assassinèrent le chef de la Garde nationale. Le 10 août 1792, ils s'emparèrent des Tuileries qu'ils pillèrent après avoir sauvagement massacré les défenseurs, mais aussi les valets et les cuisiniers. Ils s'installèrent à l'Hôtel de Ville et formèrent une nouvelle municipalité: la Commune.
L'assemblée, où le roi et sa famille sont réfugiés, vote (il y avait 206 députés jacobins présents et 539 absents!): le roi est déchu; on l'enferme dans un vieux donjon: le Temple.
Aussitôt, la Commune et les Jacobins emprisonnèrent les suspects, réquisitionnèrent les vivres, déportèrent les prêtres réfractaires. Quand ils apprirent l'avance des Prussiens, alliés des Autrichiens, ce fut la panique. Marat, un demi-fou, plein de haine et de violence, demanda l'exécution des suspects: les prêtres, les nobles, les soldats, les riches. On rassembla des égorgeurs qui envahirent les prisons et pendant cinq jours massacrèrent les malheureux qui s'y trouvaient. Il y eut à Paris près de 1 500 tués et le ministre Danton avoua qu'il s'en moquait!
Quelques jours après ces horreurs, le 20 septembre, à Valmy les Prussiens, ayant subi une violente canonnade de la part de l'armée française, se retirèrent et repassèrent la frontière. C'était la première victoire de la Révolution qui, à son tour, prit l'offensive et s'empara - pour les libérer, disait-elle - des régions du Rhin, de la Belgique, de la Savoie. À partir de ce moment, la guerre devait servir à propager les idées révolutionnaires.
Une des lois révolutionnaires veut que les plus révolutionnaires remplacent vite ceux qui le sont moins, et qu'ils accusent alors de trahison. La peur est générale. Si on ne dénonce pas, on risque d'être dénoncé par d'autres. C'est bien ce que l'on vit sous la nouvelle assemblée réunie le lendemain de Valmy : la Convention. Il est vrai que les électeurs royalistes ou modérés s'étaient abstenus : un électeur sur dix avait voté ! Cela n'empêcha pas cette assemblée d'abolir la royauté et de proclamer la République.
Les révolutionnaires voulaient plus; ils voulaient supprimer le
roi. Robespierre le dit justement : « Si le roi n'est pas coupable,
ceux qui l'ont détrôné le sont ». Il fallait
donc condamner le roi; aussi on inventa de faux documents et on ne négligea
rien pour impressionner les membres de la Convention qui devaient siéger
: la populace menaçait de mort ceux qu'elle croyait modérés.
Finalement, les députés votèrent un par un, en public
(le duc d'Orléans - Philippe Egalité vota la mort de son
cousin). La mort immédiate fut votée à une voix de
majorité (361 contre 360). Le 21 janvier 1793, avec un remarquable
courage et une piété exemplaire, Louis XVI fut guillotiné
vers onze heures du matin.